On continue notre voyage, et de retour à N'Djaména, on franchit le frontière du Cameroun à Kousséri pour aller à Kalaloué.
Kousséri est une ville frontière à laquelle on accède depuis N'Djaména par deux ponts : le premier sur le fleuve Chari, à Chagoua, quartier dont j'ai déja parlé ; le second, après la frontière camerounaise, sur le Logone. On entre alors dans Kousséri. Il n'y a pas une grande différence entre Kousséri et une ville tchadienne : sauf qu'ici, les sacs plastique triomphent partout, alors qu'ils ont été interdits au Tchad, ce qui y rend les villes nettement plus propres.
Après avoir traversé Kousséri, on continue vers le nord-ouest, sur la route de Maroua. Cinq kilomètres en évitant les nids-de-poule et les motocyclistes, et inch'Allah on arrive à Kalaloué, qui est une réserve de chasse fréquentée par les éléphants, en saison sèche, qui viennent s'y rapprocher du fleuve.
J'y suis allé avec des amis. Maintenant que j'ai une plaque verte sur mon hilux, je traverse toutes les frontières sans problème. Ce matin-là, après quelques kilomètres de piste, on est tombés sur le troupeau d'une bonne centaine de bêtes. On a beau être blasé, c'est impressionnant. on laisse le moteur tourner, on descend de la voiture pour s'approcher en silence du marigot. Le troupeau est juste de l'autre côté, on distingue d'abord quelques animaux à la lisière des arbres, puis des bandes, puis tout un régiment. Ce ne sont pas de petits éléphants noirs de forêt solitaires comme au Gabon, ces bêtes farouches qu'on ne rencontrait dans les prairies de la Lopé qu'avec beaucoup de chance et de sueur : ce sont de grands éléphants gris qui se montrent avec indifférence.
Il y a quelques semaines, un gros troupeau d'éléphants a été braconné, plus à l'Ouest, au Cameroun. On dit que deux cents éléphants ont été abattus. Depuis c'est - paraît-il - l'armée camerounaise qui assure la protection des pachydermes. Mais les militaires et les braconneurs peuvent parfois être les mêmes personnes.
Un peu plus loin dans la réserve, on arrive au bord du Chari. On arrête les 4X4 et on sort quelques bières de la glacière.
Vous distinguez ici deux couleurs d'eau. La première est celle d'un bras du Chari qui en a été isolé par la baisse du niveau de l'eau. La seconde, plus bleue, est celle du cours du fleuve. J'admire l'élégance des jardins qui s'étagent sur l'autre rive. C'est quand même autre chose que les quais de Saône.
Au milieu du fleuve, ce tas de choses brunes et indécemment roses, c'est quoi? Un tas d'hippopotames. Les hippopotames vivent comme ça, non pas en troupeau comme les gens normaux, mais en tas dans une rivière. C'est élégant. On ne dirait pas, à les voir ainsi avachis, que ce sont probablement les animaux les plus dangereux d'Afrique (si l'on excepte les moustiques, bien sûr.) Chaque année, des piroguiers se font déchiqueter par une attaque d'hippopotames. A côté de ça, les lions sont d'inoffensifs gros minets.
L'hippopotame ressemble à un gros tonneau sur pattes. Son mufle est rose chair vineuse. Gide raconte que, ses piroguiers en ayant tué un en descendant le Logone, et l'ayant dépecé à bord, pour pouvoir en garder la viande,il lui fallut supporter des semaines durant l'odeur de la chair d'hippopotame pourrie; La question qui me vient par association d'idées, c'est pourquoi la chaîne de restaurants français spécialisés dans la viande de boeuf a-t-elle choisi de s'appeler Hippopotamus? Serait-ce qu'il existe des gens à qui la vue d'un hippopotame donne faim ?