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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 17:28

Dans le roman déchirant de Blondin, Monsieur Jadis ou l'école du soir, Monsieur Jadis avait deux petites filles, qui venaient le voir de temps en temps à Saint Germain des Prés. Moi, j'ai deux garçons, et j'essaie d'aller les voir de temps en temps à Libreville, au Gabon, mais pour ça il faut prendre l'avion.

 

Jeudi dernier,  je me rendis ainsi, plein d'entrain, à l'aéroport Hassan Djamous de N'djaména dans le but de prendre place dans le vol que j'avais réservé pour Libreville via Douala. Il s'agissait d'un vol Asky, la compagnie panafricaine qui se flatte de "rendre nos voyages plus faciles". Il était huit heures, le ciel était bleu et les taxis jaunes (comme tous les jours); je m'apprêtais à passer vingt-quatre heures à Douala pour y attendre la correspondance vers Libreville, le jeu des correspondances êtant tellement bien éudié en Afrique centrale que je suis devenu coutumier du fait, mais finalement j'aime bien Douala où j'ai mes petites habitudes, mon petit hotel à Makepé, mes petits souvenirs.

 

A huit heures trente, à l'aéroport de N'Djaména, je remarquai une petite affiche indiquant que le vol avait été supprimé "pour des raisons d'exploitation". A l'agence Asky, on me déclara qu'on me rappellerait dans la matinée pour me proposer une solution. A force de rappeler, je finis par apprendre que le vol était reporté au dimanche soir.

 

Monsieur Jadis avait à Libreville deux petits garçons qui pleurèrent au téléphone lorsqu'ils comprirent que leur papa ne pourrait peut-être pas venir les voir. Il avait mal au ventre, il était rentré chez lui, il se sentait très mal et se tenait la tête entre les mains, assis sur son lit.

 

En fin de matinée, je suis allé à l'agence qui m'avait vendu le billet. Il restait, paraît-il, des places sur un vol de la Camair, la compagnie camerounaise, qui arriverait à Douala plus tard et me permettrait d'avoir ma correspondance. Je pris un billet, et me rendis à nouveau à l'aéroport. Au moment d'enregistrer mes bagages, j'appris que Camair avait continué à vendre des places alors que le vol était complet depuis longtemps. On dit souvent que les Camerounais ont le sens du business.  

 

Désespéré, je retournai à mon agence : il restait une dernière solution : la compagnie éthiopienne qui dessert toute l'Afrique à partir d'Addis Abeba. Je devais donc payer un billet à plus de mille euros pour traverser l'Afrique vers l'Est jusqu'à Addis puis la retraverser dans le sens inverse vers Libreville.

 

C'est ainsi que je pus rejoindre mes gosses et passer avec eux une semaine. Au retour, nouveau vol vers Addis. Sur place, je ne trouve plus d'affichage concernant la correspondance Addis-Ndjaména. Un employé me baragouine quelque chose à propos d'Abudja, au Nigeria. Je suis un troupeau de voyageurs à travers le hall à la suite d'une hotesse qui clame "Passengers to Ndjaména !"...  mais l'avion dans lequel elle nous emmène ne va pas au Tchad, mais bien à Abudja. Le trajet survole le Tchad, équidistant entre l'Ethiopie et le Nigeria ; mais c'est seulement du Nigeria que je repars pour le Tchad. Il paraît qu'il y avait trop de pélerins vers la Mecque, les compagnies mobilisant toute leur flotte durent annuler ou modifier de nombreux vols moins rentables.

 

Au total, pour effectuer un trajet de deux ou trois mille kilomètres entre deux pays de la même région, j'ai dû traverser l'Afrique sur toute sa largeur quatre fois en une semaine. Je peux vous dire que mon empreinte carbonne pèse lourd, et pourtant je n'avais pas beaucoup de bagages.

 

Les représentants officiels de la Communauté Economique et Monétaire des Etats d'Afrique Centrale parlent baucoup d'"intègration régionale", de "libre circulation des personnes" et j'ai même entendu un certain Monsieur Pierre Moussa affirmer sur Africa 24 qu'une compagnie aérienne "Air Cemac" était déja pour ainsi dire presque opérationnelle : ses capitaux sont déja rassemblés, le site est déja trouvé, un directeur a déja été pressenti ... quelque chose me dit que Monsieur Jadis n'a pas fini de suer d'angoisse chaque fois qu'il voudra voir ses petits garçons.

 

 

 

 

 

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commentaires

G
Magnifique et poignant. Mon pauvre Ben Jadis et garçons, on vous en fait voir de toutes les couleurs.
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